Fashion et montagne : un guide pratique

Fashion et montagne : un guide pratique
Toi qui vis en plaine, voire - horreur - en ville, tu as pu le constater : les gens de la montagne s'habillent bizarrement. Bien sûr, il est loin maintenant le temps de la robe bavaroise, des knickers en cuir et du béret basque, n'empêche que quand tu arrives en station ou en refuge, tu es un peu désorienté, fashionistiquement parlant.
Rassure-toi, ça nous fait pareil quand on arrive en ville : une légère impression de faire tache, comme un paquet de M&Ms au milieu d'un présentoir de Rotellas Haribo. Explications.

Les couleurs
Oublie ta sobriété et ton bon goût de citadin : à la montagne, faut que ça pète. Turquoise, fuschia, orange vif ou vert anis, sur les skis ou au comptoir du bar, l'idée est qu'on te voie de loin, quitte à défoncer la rétine. A l'origine, ça vient du fait qu'en montagne, pour des raisons de sécurité, il faut être visible en cas de secours. Ca s'explique aussi par la durée de l'hiver, une saison en noir et blanc qui nous donne envie de couleurs. Bref, pas de noir, de marine ou de kaki, envoie de la doudoune orange et du pantalon jaune, vis comme si tu étais daltonien, comme si Karl Lagerfeld n'avait jamais existé et comme si Anna Wintour ne te regardait pas.

Les matières
Clairement, là encore, on fait pas dans la noblesse. Laine, cachemire et soie sont envisageables en après-ski, mais le reste de la journée, c'est la fête au synthétique et à la décharge de 2000 volts d'électricité statique dès que tu effleures ton voisin (ça t'apprendra à avoir la main baladeuse). Une seule concession au pétrole, la laine mérinos qui se décline du t-shirt aux chaussettes et qui est réputée pour ne pas retenir les odeurs pendant plusieurs jours (coucou les crados !).

Le bonnet
C'est, avec tes lunettes, l'accessoire clé de ta tenue, ta signature, l'expression ultime de ta personnalité, tu le portes six mois par an alors NE TE MANQUE PAS SUR LE BONNET. Tu peux tout oser : le pur vintage orange-marron tendance JO de 1984 à Sarajevo, la chapka russe, le bandeau (même pour vous messieurs), le gros pompon régressif, et le fin du fin, c'est le bonnet en crochet fait par ta copine ou ton cousin, introuvable en magasin, snobisme ultime. (Pour une version COVID-compatible sooo hiver 20/21, balaclava Häglofs)

L'écharpe
Alors je t'arrête tout de suite : on ne porte pas d'écharpes à la montagne, c'est ainsi. Une règle tacite, mystérieuse mais néanmoins intangible. Probablement en rapport avec les risques de pendaison subite dans les remontées mécaniques, si tu veux mon avis. Le Buff, moins susceptible de se transformer en noeud coulant en mode règlement de comptes à OK Corral, est toléré. En plus c'est pratique, il fait aussi bonnet, masque chirurgical, minijupe pour guincher au Yéti Bar, et tu peux même moucher ton gosse avec en cas d'urgence.

Les lunettes
Là encore, il faut oser ! Rééditions de lunettes de glaciers des 80's, lunettes masques aux écrans irisés des 90's comme en portait Benoît, ton crush à St Véran en février 1993 (Benoît si tu me lis, contacte-moi, j'avais un anorak Waikiki rose et vert et un pantalon Fusalp marine, table 32 au Chalet des Amoureux), ou monture fluo, monture en bois ... tout sauf les lunettes délicates et discrètes de citadin. Bon, sachant que tu vas les faire tomber du télésiège ou t'asseoir dessus après trois vins chauds, n'y mets pas 500 balles non plus.

Les pompes
Pour faire simple : la Moon-Boot Nylon classique, ça te classe immédiatement parmi les touristes (et c'est bien dommage parce qu'en réalité, ça isole bien du froid et c'est facile à mettre). Sont acceptées : les bottes canadiennes Sorel et assimilées, le look "chaussure de rando vintage", la Moon-Boot un peu technique. De toute façon, tu finiras par danser au bar en chaussures de ski, vu que tu te seras enflammé à la Chartreuse dès l'apéro et que t'auras pas eu le temps de passer te changer (mon conseil anti-glisse sur le parquet en bois : la semelle Vibram sous ta pompe de ski !).

La patine
Ah oui parce qu'il faut pas croire qu'il te suffit de prendre la liste ci-dessus et passer une grosse commande chez Glisshop pour avoir l'air d'un local, nooon. Le snobisme se cache toujours là où on l'attend le moins, en l'occurrence : dans une subtile patine de crasse et le rafistolage à coup de duck tape. Hé oui, le montagnard n'a pas tellement le temps de faire des lessives entre deux journées de powpow, les fringues techniques coûtent cher et sont mises à rude épreuve ; évite donc l'aspect flambant neuf et fleurant bon la lessive si tu veux travailler ta mountain credibility.
Lire le test "un boxer pour une semaine" (si, si)